Compensation carbone : pot-de-vin à notre conscience ?
A l’approche de la COP25, force est de constater que les mesures pour ralentir le réchauffement climatique ne sont pas assez efficaces. Les entreprises utilisent la compensation carbone afin d’atteindre une neutralité carbone, censée ralentir la hausse des températures, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mise en place dans un premier temps pour les entreprises, celle-ci s’est vite greffée sur le mode de vie des citoyens.
Si la compensation carbone, et son fonctionnement ne vous parle pas beaucoup, je vous invite à aller faire un tour sur cet article.
La compensation carbone, un paradoxe ?
La compensation carbone est assez controversée au vu de ses résultats. Si le fond est bon, la forme ne l’est pas toujours et des critiques peuvent apparaître. En effet, pour certains la compensation carbone ne serait qu’une « illusion ». Selon plusieurs opérateurs de projets, son but premier, qui est d’inciter à réduire, ne fonctionnerai pas.
Pour rappel, ce but est de limiter AU MAXIMUM son rejet en carbone. Donc avant de passer à la caisse, quelques questions peuvent se poser. Est-ce que l’activité polluante ne peut pas être évitée ? Ou faite d’une autre manière ? Et si non, pourquoi ?
Car l’effet pervers de la compensation carbone est que les acteurs ne font pas l’effort d’essayer de réduire leurs émissions CO2, dans un premier temps.
Un des paradoxes est celui du prix de la tonne de CO2. Augustin FRAGNIÈRE, docteur en sciences de l’environnement dénonçait cela « Aujourd’hui, un Français peut compenser ses émissions annuelles pour une trentaine d’euros ». Or, est-ce vraiment suffisant pour équilibrer les dégâts commis par les activités rejetant du CO2 ? Car il est difficilement démontrable que l’argent investi dans les projets compense à part égal la quantité de pollution rejetée. Par ailleurs, cela n’incite pas vraiment les personnes à changer leurs comportements car elles sous-estiment les dégâts de telle ou telle activité/action. Si pour compenser une activité polluante le prix à payer est trop faible, on diminue sa « dangerosité ».
Une autre critique faite à ce système, est celui du principe de neutralité. Nous savons que le réchauffement climatique s’accélère, et que juste compenser nos émissions ne suffira pas pour ralentir ce phénomène. Il faudrait donc émettre moins de carbone à la source, et non pas se contenter de chercher à le compenser. Par ailleurs, l’effet recherché est l’instantanéité. MAIS, lorsque vous plantez un arbre, celui-ci n’est pas « opérationnel » de suite. Cela peut prendre des années avant qu’il soit assez mature pour capturer la tonne de carbone. Il y a donc une différence notable entre le temps de la compensation carbone et la réalité de la capture de tonne de carbone.
Un autre paradoxe est que l’individu va payer pour faire quelque chose qu’il sait néfaste pour l’environnement. C’est une cause qui lui tient apparemment à cœur puisqu’il se soucie de compenser ses émissions de carbone. Alors pourquoi se contenter de « payer » et de ne pas changer ses actions ?
Les individus ayant conscience du réchauffement climatique n’agissent pas toujours en adéquation avec leurs valeurs, ce qui peut donner lieu à une dissonance cognitive. Et pour compenser ce mal-être, la compensation carbone peut avoir l’air d’être LA solution, en se disant « Oui, j’ai pris l’avion pour un petit trajet, mais j’ai donné de l’argent pour replanter 3 arbres au Paraguay ». C’est une solution de très court terme, qui n’aura que très peu d’impact sur la suite.
Hyprocrise ?
Il n’y aurait-il pas alors une certaine hypocrisie de la part de ces personnes ? Que de se dire « oui j’aide la planète en plantant des arbres ». Certes, c’est mieux que rien, mais cela ne serait-il pas s’acheter une conscience pour se dire que « OK, du coup je peux faire telle ou telle activité polluante ! ». La compensation carbone permettrait-elle de se défausser de toute responsabilité ? Cela ne serait-il pas un moyen de faire passer les envies avant les convictions ? Il serait alors possible d’apparenter cela à un pot de vin à notre conscience.
Et des dilemmes peuvent naître aussi sur l’intérêt de changer certaines alternatives trop coûteuses comme pour le transport. Par exemple : traverser l’Atlantique en cargo (pour 1 voyageur) permet d’économiser 99,93 % de carbone par rapport à l’avion. Mais le prix est 6 fois plus cher. Ne serait-il pas plus intelligent de mettre cet argent dans des associations directement ? En théorie, oui, mais le ferez-vous vraiment ? Et à quelle hauteur ?
Exemple : Paris – Mexico
- TRANSPORT
- tonne de CO2
- PRIX
- AVION
- 2,57 t
- 330 €
- CARGO
- 0,0018172 t
- 2 400 €
- DIFFÉRENCE
- - 99,93%
- 627 %
Mais du coup la compensation carbone ne sert à rien ?
La solution pour réduire son empreinte carbone doit donc venir de quelque part, mais d’où ? Tout simplement, du citoyen en modifiant sa manière de consommer en cherchant des alternatives aux activités génératrices de carbone.
Le mot clé serait d’être honnête avec soi-même et de bien comprendre les enjeux liés à cette pratique. La compensation carbone a pour but final la préservation de la planète.
Si l’on souhaite vraiment agir pour le bien de la planète, pourquoi ne pas commencer à agir durablement sur notre comportement ? Et pourquoi attendre de polluer pour aider des associations ? Il faudrait que cette démarche soit indépendante des activités polluantes afin d’avoir un impact plus important.
Le cas du voyage
Ici nous n’évoquerons pas le cas de l’éthique ou économique du tourisme durable, mais uniquement de l’aspect environnemental.
C’est un des aspects de la vie du citoyen où celui-ci est le plus propice à utiliser la compensation carbone. Généralement, il s’agit de compenser le transport (avion, train, voiture). Mais cette catégorie n’est pas le seule responsable des émissions de CO2, d’autres causes entrent en jeux. Par exemple le choix de sa destination, sa durée, sa période, et les établissements (hébergement, restauration) vont nettement influencer la quantité de carbone rejetée. En effet, lorsque les contraintes coût et temps font leur apparition, la balance va pencher vers un choix plutôt qu’un autre. De plus, les envies du voyageur, vont aussi ajouter leurs lots de contraintes : si je souhaite absolument partir aux Seychelles, ne pas prendre l’avion risque d’être impossible. Le choix de la destination et la durée vont donc influencer sur la quantité de carbone rejetée lors du périple, notamment à cause du transport, mais aussi avec les infrastructures et le développement du pays.
Bien choisir son transport
La plupart des touristes (44%) vont privilégier l’avion comme moyen de déplacement, alors que dans la plupart des cas, la destination est accessible en train. La quantité de carbone rejetée par l’avion est 1 500 fois plus polluante que le train, le choix du transport va donc catégoriquement impacter le bilan carbone du voyage. Par ailleurs, le coût carbone de l’avion a des conséquences plus complexes que le simple fait de brûler du carburant. Le calcul devrait aussi prendre l’âge, le modèle de l’avion et son taux de remplissage avec le forçage radiatif. Au lieu de se tourner vers la facilité, regardez si d’autres alternatives ne sont pas possibles.
La beauté d’un voyage réside dans son itinérance donc pourquoi ne pas en faire une aventure ?
Appliquer la compensation carbone pour ses vacances
Avant d’appliquer la compensation carbone par automatisme, il serait nécessaire de se pencher sur les alternatives du voyage. Et procéder par thématique, c’est un choix trop radical que de se dire « Au lieu de passer mes vacances à Tulum au Mexique pour 1 semaine, je vais aller cueillir des cerises dans le cantal pour 10 jours ». Et honnêtement, mon cœur penche directement pour le Mexique. Comment alors réduire son empreinte carbone pour les vacances ?
Il suffit de commencer par revoir son programme afin d’éviter de générer des tonnes de CO2 inutilement. Pourquoi ne pas poser 3 semaines pour visiter un peu plus la région ? Au lieu de partir toutes les 6 mois à l’autre bout du monde pour 1 semaine ? Se mettre au défi de ne prendre qu’une fois (aller-retour) / an l’avion ? Pourquoi ne pas choisir un gîte durable plutôt que l’hôtel le plus touristique de la ville ? Pourquoi ne pas choisir une destination plus proche, et partir quand il y aura plus de temps pour profiter d’un pays à l’autre bout du monde ? Il suffit de procéder par étapes en fonction de ses envies.
Mais restons lucide, voyager sans polluer à l’autre bout du monde, c’est presque mission impossible à moins de prendre le temps sur la partie transport.
« Mieux vaut prévenir que guérir »
L’adage explique bien le principe de la compensation carbone : limiter au maximum son émission de CO2 avant de compenser.
Bien que vivement critiquée la compensation carbone reste utile et c’est mieux que de ne rien faire du tout. Mais avant de partir là-dedans, il faut penser à revoir ses actions. Et vous ? Que pensez-vous de la compensation carbone ?
Super intéressant, c’est vrai que la taxe carbone conceptualise de façon économique et politique un problème environnemental. Peut-être une gestion à revoir…